Emissions de gaz à effet de serre
Le titre de cet article pourrait en surprendre beaucoup. Comment cela, les barrages émettent des gaz à effets de serre ? Ce n’est pas possible ! Ne sont-ils pas justement si utiles entre autre car ils permettent de produire une énergie renouvelable et propre ?
Eh bien, malheureusement si, c’est très possible. Des études récentes ont prouvé que les barrages dégagent bel et bien des gaz à effet de serre, et en quantité non négligeable. Pour être plus précis, il s’agit principalement de méthane, et au cas où vous ne seriez pas chimiste, l’effet de serre de ce gaz est pas moins de vingt fois plus puissant que celui du CO2. Assez impressionnant.
A présent, la question que vous vous posez sans doute est : comment se fait-il que les barrages produisent du méthane ? Rassurez-vous, la réponse arrive tout de suite.
Le processus peut sembler assez complexe à toute personne dont les connaissances en biologie se limitent à de vagues souvenirs des cours de SVT suivis plusieurs décennies auparavant. Aussi je vais essayer de l’expliquer de la manière la plus simple possible (il y aura certes deux équations et quelques mots compliqués, mais il faudra faire avec). Ce processus porte un nom : on appelle cela la méthanisation.
La méthanisation (aussi appelée digestion anaérobie, ou encore fermentation méthanique) est un phénomène naturel : il s’agit d’une dégradation de la matière organique en l’absence d’oxygène (de là vient le nom de digestion anaérobie, car un milieu anaérobie est un milieu privé d’oxygène). Cette fermentation produit un gaz appelé biogaz, lequel est constitué principalement de méthane (CH4) (entre 50% et 80%), mais aussi de dioxyde de carbone (CO2) (entre 15% et 45%), de vapeur d’eau (H20) (environ 5%) et une très faible quantité de sulfure d’hydrogène (H2S). Les composés non dégradés forment un résidu liquide nommé digestat (le digestat n’a bien évidemment aucune importance ici, mais autant que l’explication soit complète).
Cette méthanisation se passe en 4 étapes :
L’hydrolyse
Tout d’abord, les bactéries hydrolytiques décomposent la matière organique complexe (polysaccharides, protéines, lipides,…) en molécules plus simples, comme des sucres, des
alcools et des acides aminés.
La fermentation
Les molécules obtenues sont transformées en alcools, acides organiques, hydrogène (H2) et en dioxyde de carbone.
L'acétogénèse : Un autre type de bactéries, appelées bactéries acétogènes transforment les alcools et les acides gras volatils en acide acétique, en hydrogène et en dioxyde de carbone, lesquels s’ajoutent à ceux déjà produit lors de l’étape précédente.
La méthanogénèse : au cours de cette étape, deux bactéries différentes entrent en scène :
- Les métanogènes hydrogénotrophes se servent de l’hydrogène et du dioxyde de carbone pour produire du méthane. L’équation de cette réaction chimique est : CO2 + 4 H2 → CH4 + 2 H2O. L’hydrogène et le dioxyde de carbone produits précédemment disparaissent, et du méthane ainsi que de la vapeur d’eau sont produits.
- Les méthanogènes acétotrophiques (ou acéticlastiques) se servent de l’acide acétique produit lors de l’acétogénèse pour produire du méthane. L’équation de cette réaction chimique est : C2H4O2 → CH4 + CO2
[Insérer schéma]
Voilà l’explication de la méthanisation, aussi simplement que possible. Mais à présent, la question est : comment applique-t-on cela aux barrages ? Très simplement : la matière organique utilisée est la végétation ennoyée dans la retenue. Dans les eaux profondes d’un barrage, il y a très peu, voire pas, d’oxygène : on a donc bel et bien un milieu anaérobie. Dans ces conditions, la méthanisation peut se produire sans encombre. Ce qui est assez problématique, car (désolé de me répéter) l’effet de serre du méthane est plus de vingt fois plus puissant que celui du CO 2.
L’équipe de ce site a décidé, pour prouver nos dires, de pratiquer une petite expérience très simple afin de montrer qu’il y a méthanisation dans les barrages. Pour cela, nous avons essayé de recréer les conditions d’un vrai barrage : des végétaux ennoyés dans un certain volume d’eau dans un milieu anaérobie. En voici le protocole expérimental :
- Matériel :
- Un bécher
- De la matière organique (végétale ici)
- [Le truc pour refermer le bécher]
- Etapes de l’expérience :
- On introduit x grammes de matière végétale dans le bécher
- On remplit d’eau du robinet le bécher (on a choisi l’eau du robinet car elle était celle qui s’approchait le plus de l’eau d’une retenue)
- On referme le bécher avec [] pour qu’il n’y ait pas d’oxygène
- On met le bécher dans un [truc chauffant] pour une durée indéterminée (au minimum une semaine)
- Lorsqu’on a estimé que la fermentation est suffisante…[compléter]
- Résultats de l’expérience
Nous avons laissé le bécher ainsi pendant une semaine, puis nous avons vérifié l’avancement de la fermentation. Nous avons estimé qu’il fallait attendre encore un peu. Voici un cliché du bécher à ce moment-là :
[Insérer photo]
La semaine suivante, nous sommes allés récupérer le bécher. Nous avons tenté de vérifier la méthanisation en faisant un trou dans le [] en allumant un briquet au dessus, afin de provoquer une petite explosion, voire une flamme, au mieux. Malheureusement, l'expérience fut un échec de ce point de vue : rien ne se produisit. Sans doute la quantité de végétaux était insuffisante, ou alors nous avons tenté l'expérience trop tôt. Cependant, cette expérience n'était pas un échec complet. Si nous n'avons pas pu révéler la présence de méthane, l'odeur nauséabonde émanant du bécher ouvert (similaire à celle d'oeufs pourris, histoire de donner une idée) était caractéristique du sulfure d'hydrogène. De plus, en observant au microscope, une partie de l'eau dans laquelle les végétaux ont étés ennoyés, ont a pu observer des micro-organismes, sans doute des bactéries sulfato-réductrices, celles qui produisent le sulfure d'hydrogène lors de la méthanisation. Cette expérience n'a donc en rien été inutile.
Une fois que le méthane est bien là, comment fait-il pour s’échapper dans l’atmosphère ? Il n’y a non pas une mais quatre méthodes :
[Reformuler]
1) l'ébullition : dans les régions peu profondes de la retenue, la pression hydrostatique ne permet pas de dissoudre complètement le méthane dans l'eau. Ainsi se forment des bulles de méthane, similaires aux bulles d'un soda, qui remontent jusqu'à la surface : le méthane se répand ainsi dans l'atmosphère ; cette voie est importante, surtout pendant les premières années après la mise en eau, lorsque le stock de matière organique biodégradable est maximal.
2) la diffusion vers la surface du réservoir : cette voie est très limitée par l'oxydation aérobie du méthane par les bactéries méthanotrophes(2) au niveau de l'oxycline(3), où la stratification thermique de la retenue permet le développement d'une population importante de telles bactéries et où le méthane diffusant à partir du fond rencontre l'oxygène dissous issu de la production primaire et des échanges avec l'atmosphère ; à Petit Saut, près de 90% du méthane est ainsi oxydé à l'oxycline.
3) le dégazage : au niveau des turbines, où transitent des eaux de fond très riches en méthane, le changement brusque de pression hydrostatique entre la retenue et la rivière en aval permet au méthane de s'échapper ; à Petit Saut, un seuil aérateur assure la réoxygénation des eaux et favorise encore davantage le dégazage.
4) la diffusion vers la surface de la rivière en aval : en aval, le méthane résiduel continue de diffuser vers l'atmosphère sur plusieurs dizaines de kilomètres avant d'atteindre les très faibles niveaux de concentration des rivières naturelles.
La quantité de méthane émise dépend de plusieurs variables. Tout d’abord, la température du milieu a une très grande influence, car la méthanisation est favorisée lorsque le climat est chaud et humide. Ainsi, les barrages émettant le plus de méthane sont bien entendu les barrages tropicaux : ils émettraient jusqu’à dix fois plus de méthane que les barrages tempérés. Cela ne veut pas dire que seuls les barrages tropicaux sont en cause : les barrages tempérés émettent également du méthane en quantités inquiétantes.
Puisqu’on parle des chiffres, il est temps de s’intéresser à une question épineuse : peut-on chiffrer ces émissions de méthane ? Si les scientifiques sont tous d’accord pour dire que les barrages en rejettent, mais pas par rapport aux chiffres, et bien évidemment personne ne sait qui a tort et qui a raison.
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